What are you ? Who are you ?

Dix neuf heures, il était grand temps pour moi de me préparer pour aller prendre mon service. J'étais du soir, contrairement à beaucoup j'aimais être du soir. De toute façon ma vie privée était relativement calme et c'est le soir qu'on ramasse le plus de pourboires. Une douche rapide et j'enfilais déjà ma jupe noire et mon tee shirt blanc, la tenue obligatoire et imposée à tous les employés. A un quart d'heure de prendre mon service, la voiture de Mark, collègue et barman passait me prendre aussi souvent que possible. Soit à chaque fois que nos emplois du temps correspondait et surtout lorsque nous étions de nuit. Je n'avais jamais été très rassurée à l'idée de repartir seule en pleine nuit et il avait été d'accord pour qu'on fasse le trajet à deux. A vingt heures, nous arrivions enfin au Long Jazz Club, qui semblait plutôt calme. Lara m'adressa un sourire avant de quitter son poste puisque c'était moi qui prenait la relève. Je vérifiais chaque table, et donnait un coup d'éponge à celles qui en avaient besoin alors que les premiers clients de la soirée arrivaient doucement mais surement. Un groupe de musiciens joueraient ce soir et ces soirées avaient toujours du succès.

La salle était répartie en zone, de façon à ce que chaque serveur n'empiète par sur les tables des autres. Et ma zone était vide si bien que j'avais l'impression de tourner en rond, de faire les cent pas. Finalement un groupe de jeunes hommes prit place dans ma zone, alléluia ! J'attrapais quelques cartes et mon plateau et me dirigeait vers eux pour prendre leurs commandes. Avec le temps, j'avais appris à gérer les clients un peu trop entreprenant ou mal polis. Et les hommes qui faisaient parti des employés prenaient très à cœur de garder un œil sur nous. Ca m'avait longtemps tapé sur le système, après tout personne ne s'était jamais soucié de moi et j'avais toujours appris à me débrouiller par moi même. Mais aujourd'hui j'avais fini par m'y faire je pense et puis je n'avais jamais vraiment eu besoin d'eux. J'apportais les six bières commandées par le groupe avant de reprendre place près du bar, patientant gentiment que quelqu'un ait besoin de moi.

« Heaven, t'as un client là bas, mais fait attention, ce n'est pas la première fois qu'il vient. »

Me prévenait Harry, un autre barman. Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas ou il voulait en venir.

« Et alors ? Ca n'a jamais été un crime, au contraire. »

Lui répondis-je en secouant la tête avant d'attraper une carte et mon plateau.

« Non mais c'est bizarre qu'un client vienne sans consommer, surtout quand il passe son temps à te fixer. »

Mais je ne pris pas en compte ses informations, Harry était un tantinet parano et il me collait un peu trop à mon goût. J'arrivais enfin à la table du client, il avait choisi un coin de la salle un peu plus à l'écart et un peu plus sombre du reste de la salle. Je me postais devant la table me présentant poliment, comme je le faisais à chaque fois.

« Bonsoir et bienvenue au Long Jazz Club. Je m'appelle Heaven et je serai votre serveuse ce soir. Je vous laisse la carte des boissons et des plats pour pouvoir faire votre choix. Je repasse pour prendre votre commande. »

Lui dis-je dans un sourire en lui tendant ladite carte. L'homme était un grand blond qui semblait être musclé et venir d'ailleurs. Quelque chose émanait de lui et je ne savais pas si ça me donnait envie de fuir ou si au contraire, ça m'attirait. Je lançais un dernier regard à la volée à ce client mystérieux, manquant de me prendre les pieds dans le tapis. Je ramassais quelques bouteilles de bières vides pour les remplacer pas des nouvelles. Je nettoyais une table qui venait de se libérer avant de récupérer mon plateau pour retourner prendre la commande du grand blond mystérieux.

Il ne me restait plus que quelques pas à faire pour arriver de nouveau à sa hauteur quand une paire de bras m'attrapa par la taille, m'arrachant un petit cri de surprise. Les mains baladeuses appartenaient à un mec qui puait l'alcool à plein nez. Je tentais de gagner un peu d'espace en plaçant mon plateau entre nous avant de le mettre en garde.

« Lâchez moi monsieur, j'ai du travail, je suis serveuse pas strip teaseuse et vous avez visiblement trop bu. »

Le type se contenta de rire en resserrant un peu plus son étreinte.   

Tonight's the night

Heaven ∞ Lyd

L'éternité ça peut parfois paraître long. Parfois, seulement la plupart du temps c'est vachement divertissant avouons-le. J'arrive toujours à trouver quelque chose à faire, une nouvelle activité, un nouveau loisir, une nouvelle victime. Je suis pleins de ressources et plus je vieillis mieux c'est. Je trouve rarement des gens intéressants, du moins assez intéressant pour que je puisse m'y intéresser. La plupart du temps je me lasse très vite des gens qui m'entourent, quand on a eu la compagnie de Marcus pendant tant d'années c'est difficile de se contenter de vulgaires ersatz. Toutefois je reste un être humain – enfin presque – et je ne peux pas me passer totalement de compagnie, certainement pas de celle des femmes en tout cas. Je dois donc faire avec.

Cependant, de temps à autre il m'arrive de croiser la route de gens qui attire vraiment mon attention. Des gens qui m'intrigue. La dernière j'ai du la rencontrer il y a plus de dix ans, pour dire à quel point c'est rare. Et ça c'est reproduit à la Nouvelle-Orléans. Alors que je me baladais tranquillement, réfléchissant à mon prochain investissement ma route croisa celle d'une jeune femme que je ne remarqua pas tout de suite, étonnement. C'est son parfum qui a fait que je me suis retourné. Je n'ai vu que sa chevelure blonde, mais avec mes sens sur-développé ce ne fut pas vraiment compliqué de la retrouver. J'ai rapidement eu envie de la connaître, tout en osant pas l'approcher. S'il y a bien une chose que j'ai appris avec le temps c'est que souvent, l'idée que l'on se fait des gens est bien plus flatteuse que les gens eu même. En gros, pour ceux qui n'auraient pas comprit on est souvent déçu par la personne qu'on a tendance à trop idéaliser.

Après ce court entrevu j'ai donc continué à la garder à l’œil, de temps en temps, quand je n'avais rien d'autre à faire. C'est fou le temps que l'on peut avoir quand on ne ressent pas le besoin de dormir. J'ai finis par savoir où elle travaille et pleins de petits trucs sur elle. Bon d'accord, ce n'est pas très sein, mais je suis un vampire, ça serait si on ne fait que des choses bien. Bizarrement cette inconnue m'intriguait, elle m'obsédait presque. J'avais beau me dire que ce n'était pas une idée de m'approcher de trop près je ne pouvais m'empêcher de m'approcher, toujours un peu plus. Pour en apprendre plus, juste pour savoir pourquoi elle me faisait cette effet. C'était plutôt grisant.

Sauf que cette manie de toujours vouloir allé plus loin m'a poussé à avoir envie de lui parler. Juste pour voir si elle était ce qu'elle paraissait ou si comme les trois quart des gens elle n'était que l'ombre d'elle même, une coquille inintéressante, juste bonne pour nous offrir de la nourriture. D'ailleurs, rien ne m'empêchait d'aller la voir, si elle me décevait je pouvais très bien la vider de son sang en guise de mon temps perdu. Enfin, ça c'est ce que je me répétais histoire e faire tomber les dernières résistances de mon subconscient. C'est que je suis difficile à convaincre.

Finalement, je me suis convaincu et c'est donc sur les coups de 20h30, une fois le soleil bien tombé que je me suis décidé à bouger de chez moi. Bon, ce n'est pas comme si il me fallait des heures pour aller jusqu'au bar où travaille la blonde. Pour l'occasion, je n'ai rien changé à mon habituel jean, chemise, à quoi bon ? En arrivant là-bas, il n'y a pas grand monde, du moins personne qui attire mon regard plus que la jeune serveuse qui se trouve un peu plus loin. Ce n'est pas la première fois que je viens. Il est vrai que parfois, quand l'ennui me gagne lors d'une longue nuit « d'insomnie » je viens passer un moment ici. Je n'y peux rien si ça concorde toujours avec le service de cette mystérieuse inconnue. Je vais m'installer, l'avantage des lieux publics c'est qu'on a pas besoin d'y être invités pour pouvoir y entrer. Heureusement, on aurait l'air bien idiot si on devait s'arrêter à chaque porte de stade, restaurants et autres lieux du même genre. Les règles sont bien faites.

Je vais m'asseoir alors qu'un des employés me jette un regard noir, ça me fait doucement sourire. Je m'installe et attend un peu, observant ce qui se trouve autour de moi, mes yeux s'arrêtant sans le vouloir sur la nuque de la blonde. J'y peux rien moi, si elle a attaché ses cheveux. J'essaye de me concentrer ailleurs, sentir tout ce sang sous sa peau, ça me donne très faim et ce n'est pas une bonne idée. Je me perds dans mes pensées un instant et la voilà devant moi. Elle se présente. Heaven. Je ne peux m'empêcher de sourire une fois encore. C'est une mauvaise blague. Cette femme qui m'attire tant s'appelle « Paradis » si ce n'est pas ironique ça, en sachant que s'il venait à exister je n'y aurai pas le droit, car il paraît que j'ai perdu mon âme. Elle e tend une carte, que j'accepte avec un sourire charmeur, plus une habitude qu'autre chose. Je n'ai pas le temps de me présenter qu'elle est déjà partie. Ce n'est pas plus mal que ça. Je ferais mieux de partir.

C'est ce que je m'apprêtais à faire quand je vois un homme s'approcher un peu trop près de cette Heaven. Il n'a pas l'air en possession de tout ses états et je peux sentir d'ici son haleine alcoolisé. Je lève les yeux au ciel. Les humains sont vraiment puérils et ils n'ont aucune manière. J'aurai très bien pu le laisser jouer avec la serveuse jusqu'à ce qu'un de ses collègues aille gentiment mettre l'abruti dehors, mais après tout j'étais venu ici pour me divertir, alors autant me divertir un instant. Je m'avance vers l'idiot d'un pas calme, avant de venir poser une main sur l'épaule de celui-ci, histoire qu'il se décide à tourner la tête vers moi. Je sais très bien qu'une fois que son regard aura croisé le mien, il n'aura pas d'autre choix que d'abdiquer.

« Il me semble que la jeune femme t'as dis qu'elle avait du travail. Alors tu devrais t'excuser et aller chercher des ennuis ailleurs. » ma voix est grave, comme à son habitude, mais quelque chose à changé.

C'est toujours comme ça quand je cherche à convaincre quelqu'un, un soupçon de pouvoir vampirique et hop le mec à soudain envie d'aller faire un tour ailleurs. Il s'excuse même, on dirait qu'il se souvient de ce que lui disait sa mère quand il était petit. Vaut mieux tard que jamais, n'est-ce pas ?

« Je crois qu'il ne vous importunera plus »

What are you ? Who are you ?

Combien de fois des hommes trop saouls ou encore trop imbus de leur égo avaient essayé de me draguer un peu lourdement ? Je ne comptais même plus. Au début je me souvenais parfaitement, j'étais mal à l'aise, quoi de plus gênant que d'être ainsi exposer devant tous les clients contre sa volonté ? Puis au fur et à mesure j'avais fini par prendre les devants et rembarrer ceux qui tenteraient de passer à l'action comme ce soir.

Seulement tous les hommes n'émettent pas les mêmes signaux d'alarmes, dommage. Honnêtement, je n'avais rien d'extraordinaire, je n'étais pas moche mais je n'étais pas un canon de beauté non plus pourtant la plupart du temps ça tombait sur moi. Est ce que ma bizarrerie pouvait en être la cause ? Est ce que j'avais des phéromones animales qui titillaient les hormones masculines ? Combien de fois avais-je rêvé de me changer en tigre et de mettre un bon coup de griffes à tous ces abrutis bien trop obsédés et mal élevés... Je lâchais un soupire agacé, la soirée allait être longue ce soir et dire que ce n'était que le début.

Alors que je m'apprêtais à demander un coup de main aux hommes de mon équipe j'ai pu voir une main se poser sur l'épaule du type bourré avant de relever les yeux vers l'inconnu vers qui je me dirigeais à la base. Il ouvrait enfin la bouche pour la première fois de la soirée et ce n'était même pas pour m'adresser la parole. Le ténor de sa voix chantonnait agréablement à mes oreilles et pourtant il y avait un brin de menaces qui y résonnait. L'homme s'est totalement métamorphosé, il m'a relâché, s'est même excusé avant de repartir comme un zombie vers sa table. J'haussais les sourcils, encore abassourdie par le tournant qu'avait pris la situation.

Je le suivais des yeux jusqu'à ce qu'il s'assit gentiment à sa place avant d'être pris d'un petit rire nerveux. C'est le ténor de mon inconnu qui me ramena à la réalité, et cette fois ci il s'adressait bel et bien à moi. Le rose me monta aux joues, sans vraiment savoir pourquoi alors que je tentais de lisser ma tenue pour être un peu plus présentable après cet épisode désagréable. C'était à la fois gênant et agréable. Gênant parce que personne ne s'était jamais vraiment inquiétée pour moi, agréable parce que c'était toujours plaisant de savoir qu'on pouvait recevoir un petit coup de pouce de la part de quelqu'un d'autre. Mais ce quelqu'un d'autre était simplement un type, séduisant certes, mais un inconnu qui n'avait certainement voulu qu'être poli et bienveillant.

« Je crois aussi et votre méthode est tout aussi efficace que la mienne mais elle attire moins d'ennuis c'est certain. En tout cas merci beaucoup... »

Lui répondis-je dans un sourire sans pouvoir terminer ma phrase prenant conscience que je ne connaissais même pas l'identité du jeune homme. D'un signe de tête je l'invitais à rejoindre sa table pour que je puisse enfin prendre sa commande et qu'il puisse reprendre le cours de sa soirée.

« Dommage, j'aurai adoré l'assommer avec mon plateau pourtant. »

Ajoutais-je dans une fausse moue déçue avant de rire doucement. Je secouais la tête face à mes propres bêtises, pourtant c'était belle et bien la vérité et il ne l'aurait pas volé. Une fois de nouveau assis à sa table, je m'adressais de nouveau au client, en tentant de reprendre une position aussi professionnelle qu'il m'était possible de prendre aux vues de la situation.

« Avez vous quand même eu le temps de choisir ce qu'il vous ferait plaisir ? »

Il y avait quelque chose de déstabilisant chez cet homme visiblement très doué avec les imbéciles. Peut être était-ce la façon dont son regard vous transperçait, comme s'il tentait de chercher ce qu'il se trouvait au plus profond de vous ? En tout cas peu importe, j'ignorais comment il s'y était pris avec l'autre abruti, j'aurai été heureuse de le voir travailler comme videur ici les jours ou j'étais de nuit. Il était clair que personne n'avait envie de chercher des ennuis au grand blond.

Tonight's the night

Heaven ∞ Lyd

Je n'aurai pas du m'en mêler, je le sais très bien, je m'étais juré de ne plus m'attacher aux êtres humains, ils sont bien trop fragiles, trop mortels. Pourtant, ça a été plus fort que moi, certainement mon côté chevalier servant qui a refait une apparition fulgurante. Ça lui arrive parfois. En tout cas, ce qui est fait et fait, je me suis approché d'elle. La blonde sent vraiment bon, elle n'a pas l'odeur d'une sorcière ou d'un loup, mais pas tout à fait l'odeur d'une humaine non plus – à creuser – Bon ce n'est pas tout à fait que pour les beaux yeux de la serveuse, j'aime montrer ma supériorité aux humains surtout aux hommes. Ils sont tellement insignifiants que c'en est drôle. On s'occupe comme on peut. Puis bon, le mec ne cherche même pas à lutter. Heaven fini par se tourner vers moi une fois l'abruti repartie à sa place, avec ses amis, tout aussi abrutis que lui. Je souris quand elle m'explique que sa méthode aurait été tout aussi efficace que la mienne. Je me retiens de lui dire que ça n'avait pas l'air très concluant avant que j'en arrive. Ce n'est pas la peine de chercher la guerre.

« Je n'en doute pas une seconde, j'ai simplement été... plus rapide. » J'aurais pu être diplomate dans une autre vie «  Tout le plaisir est pour moi, il faut bien que quelqu'un lui apprenne à respecter les femmes. »

Finalement, je retourne m'asseoir. J'aurai bien aimé la voir l'assommer à coup de plateau. Le spectacle aurait pu être très divertissant. J'ai on m'avait dit ça un peu plus tôt je serais certainement resté à ma place pour profiter du spectacle. Juste pour voir comment elle s'en serait sortie, mais je suis sûr que son collègue, celui qui me regarde avec amour et tendresse à chaque fois qu je viens ici,n'aurait pas pu tenir en place. Il a bien une tête de bon Samaritain, surtout avec la blonde sur qui il bave allégrement. Faut être littéralement aveugle pour ne pas s'en apercevoir, par contre lui n'a pas l'air de capter qu'il n'a aucune chance.

Et voilà qu'elle me pose la question qui fâche, celle à laquelle je ne sais jamais quoi répondre. Que vais-je boire ? Ai-je eu le temps de choisir ce qui me fait plaisir ? Je pense que lui répondre que j'aimerais planter mes canines dans sa gorge, serait un peu déplacé. Nous ne sommes pas assez intimes... les buveurs du sang ne sont pas très bien vu, étrangement. On se demande bien pourquoi, encore un coup des sorcières, j'en suis sûr. J'ai tendance à ne pas consommer quand je suis dans ce genre d'endroit ou je me débrouille pour ne pas avoir à toucher à ce que je commande. Je peux manger la nourriture dites « humaines » - non pas les humains, ce qu'ils mangent eux – mais mon estomac ne fonctionne plus, comme la plupart de mes organes en réalité, donc il m'est impossible de les digérer normalement. Le sang c'est autre chose. Mon corps en a besoin pour garder son aspect vivant, donc ça il sait l'assimiler correctement. Faut bien que je lui réponde, elle va se demander ce qui m'arrive.

« Vous connaissez mieux la carte que moi, alors surprenez-moi. » dis-je en souriant. Et hop une petite pirouette.

What are you ? Who are you ?

Plus rapide et beaucoup plus efficace c'était certain. Je me suis surprise à le dévisager quelques instants ou peut être quelques secondes. Dans un sursaut j'étais revenue à la réalité en lui adressant un sourire poli. Je plissais les yeux avant d'hausser les épaules

« Malheureusement tous les hommes n'ont pas évolué à la même vitesse. Il paraît qu'il faut de tout pour faire un monde. »

Je restais cependant mitigée à cette idée, le monde se passerait bien de certains personnages. Lorsque le jeune homme reprend place à sa table, le groupe faisait son arrivée et un sourire s'est greffé automatiquement sur mon visage. J'ignorais pourquoi mais j'adorais ce genre de soirée. Ca rendait le boulot plus agréable et les musiciens étaient doués, ils avaient toujours ce pouvoir de me faire imaginer une autre vie, à une autre époque.

Le Jazz était si entrainant et pourtant une certaine douceur s'en dégageait. Personne ne réussirait à ôter le sourire que mes lèvres affichaient, pas même un homme trop alcoolisé aux manières douteuses ni un barman un peu trop lourd sur les bords. Le client me gratifia d'un sourire en me laissant choisir pour lui sa boisson. Si j'avais été une serveuse sans morale je lui aurais servi le verre le plus cher de notre carte, or je n'étais pas de cette trempe la. De plus il m'avait clairement évité une situation de crise qui m'aurait valu une réprimande de mon patron.

« Vous prenez des risques. »

L'ai-je mis en garde dans un sourire en coin avant de griffonner  sur mon calepin de commande. Harry m'a fixé jusqu'à ce que j'arrive à sa hauteur.

« Est ce que ça va, j'ai vu ce type bourré mais visiblement tu n'avais pas besoin d'aide. »

Etait ce une once de reproche qui teintait le son de sa voix ? J'ai haussé les sourcils me retenant de lâcher un soupire.

« C'est quoi le meilleure cocktail de la maison ? »

Me suis je enquis sans prendre la peine de lui répondre.

« Le Blue Lagoon je dirais, pourquoi ? »

Me demanda-t-il en jonglant entre les différentes bouteilles d'alcool.

« Comme ça, tu peux m'en faire un pour la 9 s'il te plait ? »

A ma demande, il s'est tendu en s'exécutant sans dire un mot. J'ai passé un coup d'éponge sur le bar avant de voir qu'il fixait d'un œil peu aimable, mon client dont il imaginait depuis le début de la soirée qu'il était louche. Le jeune homme blond avait fini par sentir son regard car les deux hommes s'affrontaient du regard en silence.

« Oh pitié Harry, arrête ça tu vas faire fuir tous nos clients ! »

Ai-je dis en le poussant pour finir le fameux cocktail pour aller le servir. La musique a retenti alors que je quittais le bar avec le cocktail. Je me suis arrêtée quelques secondes pour observer le changement palpable d'ambiance dans la salle avant de me remettre au boulot.

« Et un Blue Lagoon pour monsieur. »